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Thèse de sciences du langage, Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle
Étude des verbalisations métalinguistiques d’apprenants coréens sur l’imparfait et le passé composé en français
Introduction Chap. 1 Chap. 2 Chap. 3 Chap. 4 Chap. 5 Chap. 6 Chap. 7 Conclusion
Résumé Biblio Corpus Index 1 Index 2 Annexe 1 : Exercice Annexe 2 : Conventions



UNIVERSITE PARIS III - SORBONNE NOUVELLE
École doctorale 268 Langage & langues : Description, théorisation, transmission



Étude des verbalisations métalinguistiques d’apprenants coréens
sur l’imparfait et le passé composé en français


THESE


Pour l’obtention du grade de docteur en Sciences du langage

Présentée et soutenue publiquement par


Jin-Ok KIM

le 9 décembre 2003



Directeur de Thèse

M. Daniel VERONIQUE



Jury

Mme. Anne-Claude BERTHOUD (Université de Lausanne)
M. Pierre LE GOFFIC (Université de Paris III – Sorbonne nouvelle)
Mme. Colette NOYAU (Université de Paris X - Nanterre
Mme. Anne TREVISE (Université de Paris X - Nanterre





Introduction

 

Dans le processus long et complexe d’appropriation d’une langue étrangère, l’apprenant adulte construit ses connaissances du système de la langue cible au moyen d’activités linguistiques et métalinguistiques. Ces activités métalinguistiques ont pour résultat des connaissances sur les règles de fonctionnement de la langue cible. Dans notre travail, nous nous intéresserons à ces connaissances métalinguistiques construites par l’apprenant.

L’activité métalinguistique ne concerne pas seulement l’apprenant adulte d’une langue étrangère : elle s’observe chez l’enfant acquérant sa langue maternelle mais aussi dans toute activité langagière des natifs s’exprimant dans leur première langue, dans la recherche d’un mot ou la reformulation par exemple. Le recours à cette activité est vraisemblablement plus important chez l’apprenant adulte.

Outre l’activité épilinguistique observable dans toute interaction verbale, on peut distinguer deux types d’activité métalinguistique chez l’apprenant : la première est celle que l’apprenant déploie, comme le ferait un locuteur natif, dans une interaction orale et qui se manifeste par des pauses, des hésitations, des autocorrections et des sollicitations. Il s’agit d’une activité métalinguistique en temps réel consistant à gérer ses connaissances linguistiques en fonction des contraintes du système cognitif humain (notamment les systèmes de la mémoire) et de la situation sociale particulière dans laquelle l’apprenant est engagé.

Le second type d’activité métalinguistique est celle que l’apprenant déploie dans ses analyses de la langue cible ou ses réflexions générales à son propos. Il s’agit d’une activité de compréhension du fonctionnement de la langue cible en dehors de l’interaction ou en différé qui, partant de l’input, consiste à dégager ses principes généraux. Gombert (1990) a proposé la distinction que nous évoquons en termes de contrôle (activité métalinguistique en temps réel de communication) et de réflexion (activité métalinguistique en dehors du contexte de la communication). C’est au résultat de ce second type d’activité métalinguistique, les activités d’analyse ou activités réflexives générales sur la langue cible que nous nous intéresserons dans ce travail.

Les connaissances métalinguistiques peuvent être celles élaborées par l’apprenant ou être issues d’un enseignement métalinguistique. Les connaissances issues de l’enseignement ont attiré l’attention de chercheurs par l’usage limité ou différencié qu’en fait l’apprenant dans l’interaction verbale. Cette observation les a conduit à postuler deux types de connaissances chez l’apprenant : règles de référence (reference rules) et règles d’expression (expression rules) (Widdowson, 1975[1]), grammaire de référence et grammaire mentale (Corder, 1980d)[2], ou encore l’opposition entre connaissances implicites et connaissances explicites, qui est plus répandue[3] (cf. Krashen 1981, Noyau, 1980a). Même si ces distinctions ne se recoupent pas exactement, ces oppositions témoignent des contraintes de la situation d’interaction verbale en temps réel sur la mobilisation des connaissances.

Au-delà de ces distinctions de connaissances selon leur caractère spontané ou non dans leur utilisation, nous nous intéresserons aux connaissances métalinguistiques générales que l’apprenant construit, indépendamment de leur emploi dans la communication verbale. Ce choix d’objet de recherches nous amènera ainsi à recueillir un autre types de données que de l’interaction : les verbalisations métalinguistiques. Nous nous proposons d’observer plus particulièrement les conceptualisations concernant les valeurs aspecto-temporelles du passé composé et de l’imparfait, de trois apprenantes coréennes adultes de français, leur seconde langue étrangère.

Notre problématique du métalinguistique est étroitement liée à l’évolution de la conception des erreurs dans l’enseignement/apprentissage des langues étrangères. Tout apprenant d’une langue étrangère commet des erreurs au cours de son acquisition, quels que soient sa langue maternelle, sa langue cible, son âge, son environnement sociolinguistique, et le type d’enseignement qu’il reçoit (naturel, institutionnel, mixte).

Les erreurs ont longtemps été considérées négativement, comme des choses à bannir ou à éviter. Mais dans les années soixante, elles ont commencé à acquérir un grand intérêt pour les enseignants, en particulier pour l’enseignement de la grammaire. Les recherches sur les erreurs des apprenants utilisaient des typologies d’erreurs basées sur des classements divers (catégories grammaticales traditionnelles, distributionnelles, mixte) et des traitements statistiques. Mais avec ces méthodes, l’analyse des erreurs, malgré de bonnes intentions pédagogiques, tendait à consolider les catégories et les modèles grammaticaux qu’elle utilisait et risquait de perpétuer les attitudes normatives, au lieu d’aider à améliorer la façon d’enseigner la grammaire : cette conception étroite de l’analyse des erreurs masquait l’origine des erreurs et ne l’expliquait pas (Porquier 1977).

Cette observation des erreurs qui s’avérait décevante du point de vue de son utilité didactique, a pourtant contribué à marquer un tournant important en ouvrant un grand chantier de recherches : elle a permis de limiter les hypothèses d’interférences basées sur la comparaison a priori des systèmes linguistiques en contact (langue cible, langue source), qui s’effectuait avec les mêmes visées didactiques que l’analyse des erreurs. Car cette analyse contrastive a priori (Ibid. : 27) ne peut prédire qu’une partie des difficultés réellement attestées par les erreurs. Les erreurs qu’on ne pouvait pas classer comme un simple transfert de la langue source montraient l’activité médiatrice de l’apprenant (Py, 1984) : c’est lui qui choisit et définit les micro-systèmes de la langue cible et de la langue source en contact. En d’autres termes, ce qui est en contact, ce ne sont pas les deux systèmes linguistiques en tant que tels, mais ce que l’apprenant connaît de l’un et de l’autre et ce qu’il juge comme pouvant être mis en relation ou transférable de l’un à l’autre (cf. Kellerman, 1980).

Ainsi les erreurs de l’apprenant sont vues désormais comme reflétant le processus d’apprentissage et ses hypothèses sous-jacentes. Ce changement de perspective mettant au centre l’activité cognitive du sujet apprenant a donné lieu, depuis une quarantaine d’années, à une voie de recherches riche et vaste : les recherches sur l’acquisition d’une langue étrangère. Elles se sont développées depuis une quarantaine d’années en tant que nouveau domaine de sciences du langage en se distinguant de la didactique dont elles étaient issues (cf. Coste, 1992)[4].

Parmi différents objets possibles de recherches sur le processus d’apprentissage, nous nous intéressons ici au processus d’appropriation par l’apprenant du système linguistique de la langue cible. De ce point de vue, notre travail s’inscrit dans la tradition des recherches sur l’acquisition d’une langue étrangère qui, dès l’article fondateur de Corder sur les erreurs de l’apprenant (1967, trad. fr. 1980a), ont porté sur l’étude du développement des connaissances grammaticales chez les apprenants d’une langue étrangère. Les thèmes de recherches se sont élargis progressivement, dans les années quatre-vingts, à des stratégies d’apprentissage et de communication, à la communication interculturelle, et aux conduites d’interaction en langue étrangère. Les années quatre-vingt-dix ont assisté notamment à l’affirmation d’un courant interactionniste distinct des fonctionnalismes (Matthey 1996[5] cité par Véronique, 2002), qui s’intéresse plutôt au processus de socialisation en langue étrangère (cf. Ibid.). Parallèlement, l’étude grammaticale du lecte de l’apprenant se perpétue et se diversifie avec une confrontation entre deux perspectives. Selon Véronique (Ibid.), le formalisme, représenté par des travaux issus du chomskysme, privilégiant la grammaire universelle et la syntaxe, s’oppose au fonctionnalisme, représentés par des travaux d’approche fonctionnelle-conceptuelle, adoptant une perspective onomasiologique. Dans ce courant fonctionnaliste, les recherches sur le développement grammatical du lecte de l’apprenant s’élargissent à sa dimension discursive et textuelle et à l’interaction entre les connaissances grammaticales et discursives.

Si notre travail rejoint la grande thématique de l’étude des processus d’apprentissage et de l’acquisition du système linguistique de la langue cible ou de construction de la compétence grammaticale de ces recherches sur l’acquisition, nous optons pour une autre approche et utilisons des données différentes. Dans les recherches sur l’acquisition, le processus de construction des connaissances grammaticales est étudié le plus souvent en recourrant aux connaissances utilisées par l’apprenant en situation. Ainsi, les chercheurs observent des données de productions orales d’apprenants et tentent de décrire les séquences de développement en grammaire dans sa mise en oeuvre réelle en contexte. Mais dans ce présent travail, nous nous proposons d’étudier le processus d’appropriation sous un angle davantage psycholinguistique en nous centrant sur l’appréhension métalinguistique par nos apprenantes des valeurs aspectuelles véhiculées par le passé composé et l’imparfait. Ainsi, nous nous appuierons sur des données de type intuitionnelles (Corder 1973, trad. fr. 1980c), sur des commentaires métalinguistiques, et nous écarterons volontairement l’observation de la mise en pratique de leurs connaissances métalinguistiques en contexte réel de communication.

Pour l’étude du processus d’appropriation des valeurs aspecto-temporelles des deux temps verbaux du point de vue métalinguistique, nous nous proposons d’observer les catégories auxquelles nos informatrices ont eu recours et leurs démarches cognitives, saisies à deux moments de leur acquisition (à un intervalle de 2 ans et 8 mois en moyenne), telles qu’elles se présentent dans des verbalisations métalinguistiques obtenues dans un entretien autour d’un exercice à trous.

Trois parties constituent ce travail. La première partie est consacrée à l’étude de la dimension métalinguistique dans diverses disciplines. La seconde traite de méthodologie, et la troisième entreprendra l’analyse des données.

Dans la première partie comportant trois chapitres, nous tenterons de cerner d’abord la nature, la fonction et le rôle du métalinguistique dans des disciplines qui étudient différentes activités liées au langage. Dans le premier chapitre, nous esquisserons le traitement de la dimension métalinguistique dans des disciplines voisines comme la linguistique, la psycholinguistique, l’enseignement des langues étrangères, la grammaire scolaire de la langue première. Dans ces disciplines, la dimension métalinguistique est considérée dans le système linguistique en général, dans l’activité langagière du locuteur s’exprimant dans sa langue première, chez l’enfant apprenant sa langue maternelle, chez l’enseignant d’une langue étrangère, et aussi chez le grammairien élaborant une grammaire pour les enfants apprenant à lire et à écrire.

Dans le deuxième chapitre, nous étudierons la fonction et le rôle de l’activité métalinguistique dans les recherches proprement dites sur l’acquisition d’une langue étrangère, notamment dans des modèles d’appropriation de type systémique. Ces modèles postulent différentes étapes dans l’apprentissage qu’ils représentent de façon linéaire comme le parcours d’un élément linguistique de l’input à l’output, via le système de traitement de l’apprenant (dont ils ne prétendent pas connaître tout le mécanisme de fonctionnement). La dimension métalinguistique sera abordée dans l’identification des étapes où l’activité métalinguistique de l’apprenant peut intervenir, et dans la nature de son intervention.

Dans le troisième chapitre, deuxième volet de l’étude des modèles d’appropriation, nous examinerons les modèles mettant davantage d’accent sur le traitement cognitif de l’apprenant. Le processus d’apprentissage esquissé dans ces modèles se présente en général comme un changement de compétences cognitives du type contrôlé au type automatique. La dimension métalinguistique concernera le traitement contrôlé et les contextes de son intervention.

La deuxième partie méthodologique, comporte deux chapitres. Dans le quatrième chapitre, nous aborderons la question des méthodes de recueil de données. Nous étudierons d’abord différentes méthodes de recueil de données pratiquées en sciences humaines et situerons notre propre cadre d’enquête en fonction de notre objet d’étude. Nous discuterons les caractéristiques des données particulières que nous avons recueillies, les verbalisations, ainsi que les critiques et réserves sur ce type de données.

Dans le cinquième chapitre, nous présenterons des études préalables à notre objet de recherches, ainsi que notre méthode d’analyse de données. Les études préalables comprennent d’une part, la considération générale sur les phénomènes aspecto-temporels, qui contribuera à l’élaboration de notre grille d’observation, et d’autre part, l’étude contrastive du passé composé et de l’imparfait en français et de leurs équivalents en coréen, qui permettra d’avancer des hypothèses sur les zones de difficultés. Nous exposerons aussi notre méthode d’analyse des verbalisations.

La troisième partie consacrée à l’analyse des données contient deux chapitres de taille inégale. Dans le sixième chapitre, nous observerons de quelle façon et par quels moyens linguistiques chacune des catégories répertoriées dans notre grille est référée par les verbalisations de nos informatrices, dans une perspective à la fois comparative et évolutive. Les divers contextes interactifs des références aux catégories (spontanées ou sollicitées, sollicitation orientée ou non orientée) et leur degré d’opérationnalité seront également nos repères d’observation.

Dans le septième et dernier chapitre, nous nous intéresserons plus particulièrement à trois catégories opératoires (le bornage, le chevauchement partiel d’inclusion, et l’imperfectivité) et à leurs problématiques et observerons les démarches cognitives de chacune de nos informatrices. Nous adopterons pour ce faire, d’une part, l’approche synchronique, en observant leurs démarches sur l’ensemble des occurrences concernées par la catégorie, et d’autre part, l’approche diachronique, en comparant leurs comportements sur les deux entretiens.

Pour finir, dans la conclusion, nous présenterons le résumé de nos observations, ainsi que les réflexions que notre travail peut susciter à propos du processus d’apprentissage d’une langue étrangère.

 

Note : Nous signalons au lecteur que les signes de transcription utilisés dans les extraits de corpus et le texte de l’exercice à trous sont reproduits en annexe 1 et 2





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