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Thèse de sciences du langage, Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle
Étude des verbalisations métalinguistiques d’apprenants coréens sur l’imparfait et le passé composé en français
Introduction Chap. 1 Chap. 2 Chap. 3 Chap. 4 Chap. 5 Chap. 6 Chap. 7 Conclusion
Résumé Biblio Corpus Index 1 Index 2 Annexe 1 : Exercice Annexe 2 : Conventions


Deuxième partie : Méthodologie


Le processus de construction des connaissances métalinguistiques sur la langue cible se situe dans un espace non observable directement, entre l’input et l’output. Comment observer et étudier alors la dimension métalinguistique de l’acquisition ? Cette seconde partie porte sur ces questions méthodologiques.

Deux chapitres composent cette partie. Dans le chapitre 4, nous aborderons la question de la méthode du recueil de données et des types de données. Nous commencerons par mieux circonscrire notre objet de recherche, dont découle le choix d’une méthode de recueil de données. Nous étudierons d’abord les méthodes de recueil de données employées en sciences humaines pour situer et caractériser la nôtre. Nous examinerons ensuite un type de données particulières, les verbalisations, pour lesquelles nous avons opté dans notre recherche, ainsi que les discussions autour de ce type de données.

Dans le chapitre 5, nous entrons dans le cadre de notre travail, et présenterons des études préalables à l’analyse des verbalisations. Nous étudierons la catégorie de l’aspect et quelques propositions de classifications aspectuelles dont nous nous inspirerons pour élaborer notre grille d’observation. Nous présenterons ensuite une étude contrastive du passé composé et de l’imparfait en français et de leurs équivalents en coréen. Nous terminerons ce chapitre par la présentation de notre méthode d’analyse des verbalisations, de nos informatrices, et du déroulement de l’entretien.

 


Chapitre 4. Objet de recherche, hypothèses et méthodologie de l’enquête

Selon Véronique (1994), les travaux portant sur les représentations métalinguistiques jusqu’au début des années 1990 tournent autour des jugements de grammaticalité en langue étrangère (en s’intéressant à leur nature, leur degré de détermination et leur rapport avec les productions dans la langue cible), et autour du rôle du métalinguistique dans le processus de l’appropriation d’une langue étrangère, comme dans les travaux de Krashen (1981). Vasseur et Arditty (1996), ont présenté une revue des travaux effectués sur les activités réflexives de l’apprenant, notamment en Europe, et les distinguent selon les types de données utilisées et l’objectif de l’analyse. Selon ces auteurs, depuis les années 1980, suivant les périodes et les options théoriques, les chercheurs se sont intéressés, en prenant les termes de Corder (1980c), soit aux données intuitionnelles (correspondant aux données métalinguistiques que fournit l’apprenant sur son propre système de connaissances ou sur celui de la langue cible qu’il construit, par exemple, aux jugements sur les formes et/ou leurs valeurs), soit aux données textuelles (correspondant aux données de production contextualisée de type conversationnel à l’origine et, du point de vue des activités réflexives, correspondant en particulier aux traces de négociation du sens avec le partenaire). Ils les ont analysées, tantôt dans un but de recherche d’un accès direct au système linguistique de l’apprenant, tantôt dans un but de saisie de la dynamique même du processus d’acquisition à travers l’interaction.

Dans ces recherches sur la dimension métalinguistique, notamment dans les travaux européens, il nous semble que le choix du type de données est plutôt lié à une question de méthodologie, notamment à cette forme élaborée de l’introspection, dite verbalisation, plutôt qu’aux options théoriques. La verbalisation est une extériorisation, en vue de la communication à autrui, de ce que l’apprenant sait ou dont il est conscient, et de ce qu’il fait mentalement. Elle désigne donc des commentaires métalinguistiques de l’apprenant, qui peuvent porter aussi bien sur son propre système de la langue cible (interlangue) ou sur le système de la langue étrangère, que sur ses activités ou stratégies métacognitives.

Des prises de positions méthodologiques vis-à-vis de ces verbalisations découlent a posteriori deux approches différentes quant à la conception du système de connaissances de l’apprenant et quant à l’objet de recherche à définir. Si l’on se méfie des données intuitionnelles ou introspectives, on sera tenté par l’étude des seules données textuelles. Le système de connaissance de l’apprenant qu’on essaie de dégager se réduit du coup à ce qui s’observe dans la production. Le champ d’observation de la dynamique du processus d’acquisition se limite alors également aux séquences métalinguistiques apparues dans l’interaction. Par contre, si l’on admet la validité des données verbalisées, le recours aux données intuitionnelles devient légitime, en tant qu’elles permettent de concevoir et d’étudier de façon plus large le système de connaissances de l’apprenant et la dynamique du processus d’appropriation.

Nous consacrerons ce chapitre à la méthodologie de recueil de données en général et à notre propre méthode d’enquête. Pour ce faire, nous commencerons par délimiter notre objet de recherche, afin d’étudier le type de données appropriées. Nous jetterons ensuite un coup d’oeil sur les méthodes d’enquête en général, avant justifier notre choix des verbalisations. Les verbalisations étant un type de données controversé en terme de leur représentabilité par rapport aux connaissances linguistiques de l’apprenant, il nous semble important de présenter les discussions méthodologiques qui les concernent. Ces discussions seront suivies par la présentation de notre cadre de recueil de données et de nos informatrices, ainsi que celle du déroulement des entretiens. Notre méthode d’analyse des verbalisations sera présentée dans le chapitre suivant.

1. Etude du traitement métalinguistique inférentiel

Coseriu (1967 cité par Py, 2000) propose, en développant la dichotomie saussurienne langue/parole, une distinction tripolaire pour une langue : il distingue le système, le « dispositif abstrait qui fournit les oppositions indispensables à la production d’un ensemble indéfini de formes ou d’expressions » (Py 2000 : 79) et la norme qui est seulement une partie de ces formes et la parole. Selon Py (2000), si l’on accepte cette conception de la langue, deux voies théoriques se présentent à l’apprenant : à travers les paroles des membres de la communauté, l’apprenant peut, soit, constituer la norme par mémorisation de modèles d’expressions préconstruites, soit, construire le système de la langue cible par élaboration d’un dispositif de règles, de procédures de dérivation, par inférence. Ce sont en fait deux démarches métalinguistiques auxquelles l’apprenant peut recourir. Mais ces deux voies sont en réalité complémentaires, dit Py, car l’apprenant élabore un système à partir d’échantillons plus ou moins représentatifs de la norme. De plus, selon lui, l’apprenant n’est pas en mesure de distinguer entre système et norme et tout apprenant emprunte alternativement les deux démarches selon les préférences personnelles ou les orientations pédagogiques.

Le traitement métalinguistique de l’apprenant auquel nous nous intéressons dans ce travail correspond aux démarches inférentielles impliquées à la construction du système de la langue cible, qui coïncide avec la recherche de sa norme. Nous tenterons d’observer ces démarches à travers le contenu de la conceptualisation métalinguistique verbalisée de nos apprenantes, à propos des deux temps verbaux français (le passé composé et l’imparfait). Dans les modèles d’apprentissage que nous avons vus dans les chapitres précédents, les connaissances métalinguistiques mises au jour témoignent des étapes d’intégration et de restructuration des connaissances, et, dans les modèles d’approche cognitive, elles témoignent du traitement contrôlé consistant à analyser l’input. Par rapport aux deux grandes phases de traitement de la langue cible (explicitation et automatisation) dans lesquelles intervient l’activité métalinguistique, notre objet de recherche sera l’observation de la phase d’explicitation de connaissances sur la langue cible.

2. Deux lieux d’observations dans les études du traitement métalinguistique

Py (2000) précise, dans son étude de la construction de la norme, qu’il convient de distinguer la norme comme processus (activité dialogique) de la norme comme résultat de ce processus. Trévise (1992) avait proposé également une dichotomie produit (correspondant à résultat de Py) / production (processus) des activités métalinguistiques, qu’elle qualifie respectivement d’observable et d’inobservable. Contrairement à Trévise pour qui les activités métalinguistiques sont inobservables, Py avance que le processus et le résultat sont deux lieux d’observation possibles. Nous partageons la position de Py et pensons que l’étude du traitement métalinguistique en vue d’une construction du système de la langue cible peut avoir lieu, tout comme la construction de la norme, aussi bien en tant que produit ou résultat du traitement de l’apprenant, qu’en tant que processus ou production de ce traitement. En tant que résultat, le traitement métalinguistique de l’apprenant se présente sous forme d’un système conscient des connaissances élaborées à un moment donné de l’acquisition, et en tant que processus, il se présente, selon nous, d’une part, sous forme d’activités métalinguistiques au moment de la production, auxquelles se réfèrent Trévise et Py, et d’autre part, sous forme de réflexions métalinguistiques ayant lieu en dehors du contexte de communication[104]. Dans les deux cas, on a en effet difficilement accès à ce processus en temps réel, mais l’accès n’y est possible après coup, par les verbalisations. Le choix d’étudier le produit ou le processus de construction de connaissances repose sur cette possibilité d’observation et aussi sur la prise de position qui en découle quant aux statuts des verbalisations des apprenants. 

2.1. Systèmes de connaissances de l’apprenant : deux positions méthodologiques et deux types d’études

En ce qui concerne le système de connaissances de l’apprenant, on peut distinguer deux types de recherches en acquisition en fonction des positions méthodologiques à l’égard de l’introspection. Le point de divergence ne repose pas tant sur une forme simple d’introspection comme les jugements de grammaticalité et d’acceptabilité, fortement utilisés par les chercheurs anglo-saxons de l’école chomskyenne, mais sur une forme plus élaborée, les verbalisations.

La réticence envers les verbalisations n’était pas présente à l’origine des recherches sur l’acquisition de langues étrangères, sauf du fait de l’influence résiduelle du béhaviorisme. Dans les années 1960, 1970, au début du développement du domaine de recherche sur l’acquisition d’une langue étrangère, fondé par Corder (1980a, b, c, d), chercheur chomskyen, les lectes d’apprenants se présentaient naturellement comme premier objet d’observation et de recherches. Et dans les études des interlangues, le recours à l’intuition du locuteur-apprenant a été jugé nécessaire comme il l’était dans l’étude d’autres langues naturelles[105], pour mieux connaître le système de l’interlangue et pour savoir ce qui y est impossible (Corder, 1980c). Pour cela, ce qui était proposé était de tester les hypothèses du chercheur quant aux règles de l’interlangue, en soumettant leur résultat aux jugements de grammaticalité des apprenants (Arditty et Perdue, 1979), forme élémentaire d’introspection. Ainsi pour Py (1980 : 76), « une théorie de l’interlangue devrait prendre en considération non seulement l’explicitation, par le linguiste, des grammaires sous-jacentes à la langue cible et au comportement de l’apprenant, mais aussi un troisième terme : l’explicitation par l’apprenant de ses propres connaissances implicites ». C’est dans cette perspective que, dans le projet ESF[106] (Perdue, 1984), les données intuitionnelles (Corder, 1980c), notamment les données d’autoconfrontation[107] ont été utilisées pour compléter les données textuelles. L’autoconfrontation comprend le jugement de grammaticalité et des données introspectives plus ou moins élaborées. Mais ce n’est qu’après confrontation entre ces données et la production de l’apprenant et la constatation du décalage entre elles qu’est née une méfiance plus prononcée vis-à-vis des verbalisations.

Dans les recherches manifestant une réticence envers les verbalisations, il est implicitement admis que l’observation de la production est la seule méthode possible, ou du moins, la méthode principale d’observation du système de connaissances de l’apprenant. Ces études s’intéressent ainsi aux lectes d’apprenants en tant que système linguistique, objectif et descriptible. Et la dynamique du processus d’appropriation d’une langue étrangère est caractérisée aussi à travers l’évolution, reconstruite de façon inductive, des structurations des interlangues d’apprenants.

Du fait de la limitation de l’observable à la production, donc au résultat (certes provisoire), le processus mental (recherche du fonctionnement de la langue cible, élaboration d’hypothèses) auquel nous nous intéressons est considéré, dans ce type de travaux, comme matérialisé plus ou moins fidèlement dans la production. Dans ces études, une relation quasi-identitaire est supposée entre d’une part, le système de connaissances de l’apprenant, ses connaissances et hypothèses, et d’autre part, les connaissances observées dans ses productions en langue étrangère, connaissances qu’il met en oeuvre lors de la production en temps réel. Ce qui est une réduction des connaissances de l’apprenant aux seuls cas manifestes.

Il existe d’autres études qui se basent sur une position méthodologique favorable aux données introspectives plus élaborées comme les verbalisations. Leur validité repose sur le postulat de l’existence d’un système de connaissances verbalisable au sein de l’ensemble des connaissances qu’a l’apprenant de la langue cible. Outre la polémique déclenchée par Krashen (1976, 1981, 1983) qui relie d’une façon univoque le type d’environnement, plus précisément le type d’input et le type de connaissances, l’existence d’un double système de connaissances a été observée par d’autres chercheurs : Frauenfelder et al. (1980) ont avancé que l’apprenant possède des connaissances explicites et implicites, et qu’elles sont accessibles par trois types d’activités (production, compréhension et intuition). Py (1980) a également affirmé l’existence de ce système de connaissances explicites. Les critères de distinctions les plus utilisés sont l’aspect analysé, la conscience et la possibilité de verbalisation (cf. chapitre 2).

Les deux systèmes de connaissances que nous distinguons ne se basent pas seulement sur le caractère conscient et la possibilité de verbalisation des connaissances, mais aussi sur leur degré d’opérationnalité. Ainsi, nous distinguons d’une part, les connaissances (et hypothèses) que l’apprenant peut utiliser dans la production et, d’autre part, celles qu’il possède mais qui ne sont pas encore utilisables en temps réel. Les connaissances verbalisables (par conséquent, conscientes) comprennent les deux types de connaissances (opérationnelles et non opérationnelles).

La preuve indéniable de l’existence des deux systèmes est, pour nous, l’autocorrection dans la production spontanée de l’apprenant : elle montre que l’apprenant possède bien ces deux systèmes et qu’il est conscient de leur décalage de temps à autre. Ces systèmes de connaissances s’observent également chez des apprenants, comme certains de nos informateurs, qui acquièrent une langue étrangère dans leur pays et qui n’ont pratiquement pas d’occasions de pratiquer la langue cible. Ces apprenants développent une compétence particulièrement déséquilibrée : ils peuvent lire des textes en langue étrangère sans trop de difficultés mais leur compétence de compréhension et de production orale est au niveau minimal. Ce phénomène confirme d’ailleurs l’hypothèse de Bialystok, selon laquelle l’apprenant développe des capacités différenciées selon les types d’activités auxquels il est confronté. L’acquisition consiste donc à la fois du point de vue synchronique, à équilibrer les deux types de connaissances, et du point de vue diachronique, à les rapprocher de plus en plus des connaissances du natif de la langue cible. Ainsi, le phénomène de décalage souvent constaté entre les verbalisations et la production ne montre pas la non-fiabilité des verbalisations, comme l’avancent certains chercheurs, mais peut démontrer l’existence des deux systèmes. Ce décalage peut s’expliquer à l’aide des notions utilisées en psychologie cognitive : les connaissances déclaratives comme les règles grammaticales nécessitent, pour être utilisées en contexte en temps réel, à la fois l’élaboration des procédures de mise en oeuvre en contexte et à leur automatisation.

Dans notre travail, nous tenterons ainsi d’observer de façon longitudinale (à travers deux saisies dans leur parcours d’apprentissage) la construction du système de connaissances conscientes et verbalisables de nos informateurs, constituées de connaissances de règles analysées par autrui (professeurs, manuels), de connaissances induites et d’hypothèses élaborées par leur propre activité métalinguistique, et non le système de connaissances qu’ils peuvent mettre en oeuvre dans leurs productions spontanées.

2.2. Activités métalinguistiques et observabilité

Outre le système de connaissances statique, le traitement métalinguistique peut être abordé également, du point de vue dynamique, à travers les activités métalinguistiques qui sont à l’origine du système de connaissances. Ces activités métalinguistiques sont de nature diverse et on peut faire une première distinction entre celles qui concernent les activités linguistiques proprement dites, portant sur le système, les normes de la langue étrangère et sur l’interlocution, et celles qui concernent d’autres dimensions de l’apprentissage, extérieures au système linguistique : auto-appréciation en langue cible, volonté d’un développement des compétences, représentations que les sujets se font de leur propre comportement langagier, attitudes avouées (Py 1983 cité par Véronique, 1994). Le premier type d’activités métalinguistiques se divise encore en plusieurs catégories selon l’aspect de la langue objet de l’attention du sujet[108]. Dans notre étude, nous nous intéresserons aux activités métalinguistiques portant sur le système linguistique proprement dit.

On peut aussi distinguer les activités métalinguistiques en deux catégories selon les deux facteurs cognitifs proposés par Bialystok (contrôle, analyse), intervenant dans le processus d’acquisition : d’une part, les activités métalinguistiques liées au contrôle, que l’apprenant déploie lors de la production et d’autre part, celles qu’il déploie pour analyser le fonctionnement de la langue cible. Klein (1981 cité par Véronique 1994 : 246) propose une définition des niveaux métalinguistiques, comparable à celle de Bialystok : a) des réflexions en temps réel pendant l’acte de parole ; b) une vision des fonctions langagières et une réflexion sur le fonctionnement des langues et sur leurs règles ; c) la capacité d’émettre des jugements linguistiques. Lors de la production, les activités métalinguistiques nous semblent se centrer davantage sur la bonne transmission de message, c’est-à-dire, la recherche d’une adéquation entre la forme linguistique et le sens qu’on veut transmettre, ainsi que sur les règles sociolinguistiques. Les différentes catégories des activités métalinguistiques proposées par Giacomi et Vion (1986) et Bouchard et de Nuchèze (1987) correspondent à celles qui se manifestent dans la production. Et en ceci, ces activités ne sont pas différentes des activités métalinguistiques que peut avoir un locuteur parlant sa langue maternelle.

Par contre, les activités métalinguistiques d’analyse de la langue cible ne sont pas limitées à l’espace de la production ou de l’interaction. Elles peuvent se déclencher effectivement à la suite d’incidents ayant lieu dans l’interaction (ex. incompréhension de l’interlocuteur, malentendu, etc.), mais l’apprenant peut poursuivre ses réflexions tout seul, éventuellement en s’aidant de divers apports extérieurs (par exemple, demande explicite à un ami natif ou à un ami étranger apprenant la même langue cible, consultation de la grammaire, de dictionnaires, etc.). Ces activités métalinguistiques d’analyse se caractérisent par leur discontinuité et, par ce fait même, par le temps relativement long, nécessaire pour arriver au terme de l’analyse. Parallèlement à notre premier objet d’observation (système de connaissances conscientes sans considération de la production), nous choisissons d’étudier les activités métalinguistiques d’analyse du fonctionnement de la langue cible de nos apprenants.

Trévise (1996) observe que les verbalisations des représentations ou autres phénomènes ne rendent pas compte des fonctionnements cognitifs du sujet. Et l’auteur en arrive à dire que la représentation des connaissances est pratiquement impossible à cerner empiriquement. De même, Vasseur et Arditty (1996) affirment que l’accès aux activités réflexives nécessite une inférence, due à l’impossibilité d’observation directe.

Mais quand ces chercheurs parlent de l’inobservabilité, ils font en fait référence aux activités métalinguistiques que l’apprenant déploie lors de la production, qui relèvent du fonctionnement mental en temps réel. Cette position est exprimée clairement par Tomlin et Villa (1994 cités par Huot et Schmidt 1996 : 118) : « Le traitement cognitif de l’input se déroule dans l’espace de l’instant et ne peut être reflété par des observations livrées après coup ». La plupart du temps, ce traitement cognitif en temps réel échappe à l’observation[109], mais il existe des « séquences métalinguistiques identifiables et analysables dans la production et l’interaction » (Porquier et Vivès, 1993). C’est ce qu’ont choisi d’étudier les partisans des données naturelles, et pour eux, les activités métalinguistiques ne s’observent que dans une interaction informelle : « Seules sont observables les activités réflexives de l’apprenant et de son partenaire et les contextes socio-discursifs dans lesquels ces activités se déroulent » (Vasseur et Arditty 1996 : 72). Dans cette perspective, les différents types de traces d’activités métalinguistiques qui apparaissent spontanément dans l’interaction ont été observés relativement tardivement, dans les années 80 (cf. Vasseur, 1992[110]). Vasseur et Arditty (1996 : 78) avancent une hypothèse fort plausible sur la cause de ce retard : « Pour de multiples raisons et peut-être en particulier la focalisation sur l’acquisition ‘naturelle’ (comprise à tort comme ‘spontanée’), ainsi que l’impasse souvent faite par les approches ‘communicatives’ en situation guidée, l’importance et le rôle des activités réflexives semblent avoir été sous-évalués dans l’analyse de l’interaction exolingue ».

Quant aux activités métalinguistiques d’analyse, elles peuvent s’observer aussi bien comme production que produit. En tant que production, c’est-à-dire activités métalinguistiques en temps réel, elles peuvent s’observer non seulement dans une interaction informelle, mais aussi dans diverses tâches métalinguistiques, comme la réflexion à haute voix, l’interaction métalinguistique entre deux apprenants pairs ou en groupe (cf. Griggs, 1998, 1999, Haller et Schneuwly, 1996), ou entre enquêteur et apprenant (cf. Dabène & Degache, 1998). En tant que produit, c’est-à-dire, en tant que résultats des activités métalinguistiques, les activités d’analyse peuvent s’observer notamment dans les verbalisations en différé, informant sur les connaissances explicites, les « représentations de la norme ressentie ou de raisonnements linguistiques ayant conduit à un énoncé donné » (Mittner & Kahn 1982 : 69) et sur les réflexions ou hypothèses sur la forme, le sens, l’usage de la langue cible qu’a l’apprenant (cf. Montredon, 1996), ou leurs changements éventuels dans le temps. Ainsi, si l’on accepte les données verbalisées, les deux types d’activités métalinguistiques (intervenant lors de la production ou lors de l’analyse du système de la langue cible) peuvent s’observer dans une situation plus ou moins contrôlée. Et en tant que produit, les activités d’analyse qui nous intéresse nous semblent fournir plus de possibilités d’observation qu’en tant que production.

Avec les activités métalinguistiques de l’apprenant prises comme observables, la dynamique interne du procès d’appropriation devient un objet de recherche possible. Dans cette approche, l’apprenant est considéré comme un « témoin actif du processus qu’il met en jeu dont une théorie de l’apprentissage ne peut pas faire abstraction » (Berthoud 1980 : 112). Les données intuitionnelles prennent donc une importance considérable et peuvent constituer désormais les données centrales. Ainsi, outre le système de connaissances verbalisables de nos apprenants, nous tenterons aussi d’observer dans notre travail les activités métalinguistiques d’analyse de la langue cible, en tant que produit, observables dans les verbalisations, et non celles intervenant dans la production sous forme de contrôle.

2.3. Études des activités métalinguistiques d’analyse et des verbalisations

Malgré cette plus grande facilité d’observation des activités d’analyse (comme produit), l’observation des activités métalinguistiques qui a été menée jusqu’à récemment concernait les activités intervenant en production, dans une interaction informelle entre natif et non-natif (Vasseur, 1990a, b, c, d, 1992, 1993, 1994, 1996) et entre non-natifs pairs ou entre natif et non natif dans une tâche donnée[111]. Les travaux utilisant les verbalisations existaient également mais ils consistaient souvent à comparer les données verbalisées et les données de production (Dabène et Martin-Saurat, 1979, Dubois et al., 1981, Giacobbe et Lucas, 1982, Berthoud, 1982a, 1982b, Trévise & Demaizière, 1991). Les verbalisations seules n’ont pas attiré l’attention de chercheurs comme objet d’étude indépendant (néanmoins Osborne, 1997), alors que « tout apprenant est en possession d’un savoir grammatical naïf que l’on peut révéler et surtout exploiter scientifiquement » (Janz et Zancanaro 1992 : 386), et que « la réflexion métalinguistique verbalisée, incluant les innovations ou les quêtes terminologiques des apprenants, constitue en soi un objet concret d’observation » (Porquier et Vivès 1993 : 75).

Mais certains chercheurs commencent à reconnaître qu’outre l’activité métalinguistique menée conjointement avec le natif, l’apprenant a aussi des activités réflexives personnelles qui peuvent se refléter dans les interactions (Vasseur et Arditty, 1996).

Vasseur et Arditty (1996) avancent que, les réflexions pour soi, qui ont fait l’objet de quelques recherches (cf. Montredon, 1996) peuvent éclairer les « passages entre les phases ‘obscures’ de l’acquisition, comme l’intake (la saisie), l’analyse de cette saisie, et son intégration dans ses connaissances, avec une éventuelle restructuration des connaissances préexistantes ». L’importance des études des réflexions pour soi quoique communicables est d’autant plus grande si l’on pense, comme Bange (1992), que le travail capital d’élaboration du nouveau système se fait de façon autonome et essentiellement interne. C’est dans cette perspective que nous étudierons, à travers les verbalisations de nos apprenants, leurs connaissances métalinguistiques sur la langue cible, résultats de cette activité d’analyse (ou réflexive) ou de l’activité de conceptualisation impliquant une décontextualisation (Py, 1995 cité par Vasseur et Arditty, 1996). Ce faisant, nous souhaitons observer ces « phases obscures de l’acquisition » qui sont des phases de traitement, telles qu’elles se manifestent dans les verbalisations métalinguistiques de nos apprenants coréens.

3. Méthodes d’enquête

Avant d’aborder le recueil de verbalisations, nous nous proposons de jeter un coup d’oeil sur les méthodes générales d’enquête, qui nous permettrons de mieux situer nos choix. Les méthodes d’enquête ont été beaucoup développées par la sociologie. Les enquêtes linguistiques, outre leur particularité que l’objet d’étude est la langue, rentrent dans le cadre général des méthodes élaborées dans cette discipline.

Selon Caplow (1970), le sociologue dispose d’un nombre limité de moyens pour obtenir des informations : il peut observer des sujets, les interroger ou analyser des travaux antérieurs. S’il opte pour l’observation, il peut être un spectateur (observation désengagée), un participant (observation participante) ou un expérimentateur qui modifie le milieu ambiant. S’il opte pour l’interrogation, elle peut se dérouler sous deux formes : les entretiens et les questionnaires. Les questions peuvent être fixées ou libres et les réponses (orales ou écrites) peuvent être brèves ou approfondies, codées ou non codées. Parmi les méthodes disponibles en sociologie, nous nous intéresserons aux méthodes d’enquête susceptibles d’être utilisées dans une enquête linguistique : les modalités d’observation désengagée et participante, l’entretien, et l’expérimentation.

3.1. Observation désengagée et observation participante

Dans l’observation participante en sociologie, l’observateur est un acteur social de la situation ou du système qu’il observe contrairement à l’observation désengagée. Dans ce cas, Caplow relève deux inconvénients. Premièrement, il existe de fortes chances que l’observateur induise sur le terrain d’observation un comportement qui sans lui n’aurait pas eu lieu. De plus, en tant que membre d’un groupe, il acquiert des responsabilités, des sentiments, des engagements qui nuisent à son objectivité. Selon Caplow (1970 : 131), « on ne peut ni effacer par un effort de volonté, ni noyer dans la pureté des intentions scientifiques, les prises de parti, les identifications, les affinités et les hostilités liées nécessairement à la situation du chercheur ». Ce qu’il conseille de faire, c’est d’en tenir compte, de les reconnaître, de les énoncer franchement, et de les corriger chaque fois que l’on peut, en les juxtaposant à d’autres perspectives. Il conseille ainsi de noter, dans l’observation, non seulement les actions des sujets qu’il observe, mais aussi ses propres actions, car l’observateur lui-même fait partie de l’objet d’observation.

Un autre problème plus délicat mais aussi fréquent noté par Caplow est le fait que l’observateur modifie son cadre de référence personnel en adoptant le comportement et les attitudes de son nouveau milieu, et il en vient à admettre comme évidentes beaucoup de choses qui, pour un étranger, demanderaient une explication.

Les observations désengagées et participantes peuvent être avouées, quand le chercheur annonce son objectif, ou clandestines quand il le cache. Désengagement et participation sont questions de degrés. Dans certains cas, l’observateur participant constitue l’un des acteurs principaux de la situation étudiée. Selon Caplow, c’est une caractéristique de la recherche-action, où l’observateur est lui-même un agent de changement. Dans d’autres cas, la participation de l’observateur peut être relativement passive.

Pour les enquêtes linguistiques, notamment dans le domaine de la recherche sur l’acquisition d’une langue étrangère, l’observation de l’apprenant peut avoir lieu dans un milieu naturel où on observe l’apprenant engagé dans des communications réelles. Le chercheur peut y être observateur désengagé ou participant en devenant lui-même l’interlocuteur de l’apprenant, de façon avouée ou clandestine. Les données ainsi obtenues peuvent être aussi bien des données de production que métalinguistiques. Dans un milieu institutionnel, le chercheur qui observe l’apprenant dans une classe, est souvent participant (plus ou moins avoué) mais passif, car il n’intervient pas dans les activités des sujets observés.

3.2. Entretien

L’entretien en sociologie est défini par Caplow comme une enquête au cours de laquelle on administre à une population choisie, ou à un échantillon représentatif de cette population, des questionnaires préparés à l’avance. La participation des personnes interrogées est volontaire. L’entretien est utilisé en sociologie aussi bien pour obtenir des informations de fait qui présentent des caractères objectifs et qui peuvent être vérifiées, comme âge, profession, nombre d’enfants etc., que des informations d’opinion, subjectives, variables et impossibles à contrôler. Deux types d’entretiens sont distingués : structurés et non structurés.

Dans les entretiens structurés, chaque sujet est invité à répondre à une série de questions, dont le nombre, l’énoncé et l’ordre ont été fixés à l’avance et que l’enquêteur a appris par coeur et lit sur un protocole d’entretien. Les questions d’un entretien structuré peuvent être ouvertes ou fermées. Dans le cas des questions fermées, un entretien structuré peut comprendre une ou plusieurs échelles d’attitudes[112]. Le codage des réponses peut être fait avant, sur le terrain ou après l’enquête. L’inconvénient avec l’entretien structuré est la difficulté ou l’impossibilité de modifier la structure de l’enquête une fois que celle-ci est en route.

Un entretien peut être non structuré quand il se déroule sans liste de questions, donc sans ordre ou formulation à respecter. L’entretien peut tout de même être centré sur un événement particulier ou s’appuyer sur une série de questions que l’enquêteur est libre de modifier au cours de l’entretien. Certains chercheurs préfèrent les entretiens non structurés quel que soit leur objectif. Pour eux, explique Caplow, l’entretien structuré déforme toujours les pensées et les actes du sujet en leur imposant le cadre de référence du chercheur. Mais l’entretien non structuré a pour inconvénient qu’il est presque impossible de couvrir les mêmes thèmes d’un entretien à l’autre, à moins d’être si directif et précis qu’on rejoint le protocole structuré.

Pour une enquête linguistique comme la nôtre, la méthode d’entretien correspond à une tâche métalinguistique ou introspective qui prend la forme de jugement de grammaticalité ou celle de verbalisation. Les questions peuvent porter aussi bien sur le système des apprenants interrogés que sur le système de la langue cible qu’ils apprennent. Dans cet entretien souvent face à face, l’enquêteur est le plus souvent le chercheur lui-même. Selon le type de questions (fermées ou ouvertes) et le protocole choisi, l’entretien peut être plus ou moins structuré ou non structuré. Le jugement de grammaticalité semble demander un entretien plutôt structuré et les verbalisations, un entretien plutôt non structuré.

3.3. Expérimentation

L’expérimentation est, selon Caplow, une observation contrôlée. Lorsque l’observation simple ne révèle pas la liaison des causes et des effets, l’observateur a recours à la manipulation, c’est-à-dire, à la modification d’un élément observé et enregistre les conséquences de ce changement.

L’expérimentation peut avoir lieu dans un laboratoire ou sur le terrain. Les expériences dans un laboratoire ne reproduisent que les aspects du milieu naturel dont le chercheur veut tenir compte. Les chercheurs ayant une certaine expérience de ce type de travail tiennent pour acquis que les processus observés en laboratoire (in vitro) ne sont jamais vraiment identiques à ceux qui se déroulent dans un milieu naturel (in vivo). Quant aux expériences sur le terrain, elles atteignent difficilement le même contrôle que celles qui se déroulent dans un laboratoire, du fait des facteurs humains et environnementaux, et aussi pour des questions d’éthique.

Dans les enquêtes linguistiques, la méthode par expérimentation est utilisée quand l’observation d’un certain type de données est difficile dans des conditions naturelles par l’observation simple. L’observation de la production d’apprenants d’un concept donné, la spatialité par exemple en est un exemple, et nécessite une élaboration de situations ou de tâches qui poussent les informateurs à utiliser des expressions relatives à l’espace. Les données introspectives peuvent être considérées comme des données expérimentales, de par la difficulté d’en trouver dans la production spontanée et de par la nécessité d’un cadre artificiel.

3.4. Échantillonnage

Dans l’enquête sociologique, le problème de l’échantillonnage est une question méthodologique importante. Dans une enquête linguistique, ce problème peut se poser selon qu’on opte pour une observation transversale ou longitudinale. Dans une étude transversale, les données sont recueillies en une seule fois auprès de sujets en nombre plus ou moins important dans une population choisie. Dans ce cas, se pose donc la question de représentativité de l’échantillon sélectionné.

L’enquête linguistique peut être longitudinale : les données sont recueillies auprès de sujets en nombre restreint, sur une période de temps plus ou moins longue et à intervalle régulier. La durée jugée adéquate pour la qualification de longitudinal varie selon les chercheurs : les chercheurs anglo-saxons ont tendance à l’utiliser pour une durée plus courte que les chercheurs européens. Quand le nombre de sujets étudiés est très réduit, on parle en général d’étude de cas. Dans ce type d’étude, la question de la représentativité est exclue.

Après l’examen de différentes méthodes d’enquêtes, nous pouvons qualifier la nôtre de la façon suivante : du point de vue du type d’observation, il s’agit d’interrogation semi-ouverte (commentaire d’un exercice à trous), et d’entretiens face à face non structurés ; du point de vue de la modalité d’observation, il s’agit d’une observation non participante (mais avec quelques contaminations, facilitées du fait que l’enquêtrice elle-même est de la même nationalité que les informatrices) ; et par la durée de l’enquête (deux ans et demi en moyenne) et le nombre d’informateurs (trois), notre enquête rentre dans le cadre de l’étude longitudinale et de l’étude de cas.

4. Le recours aux verbalisations

4.1. Choix des verbalisations

Quel type de données serait le plus adapté pour une étude des connaissances ou hypothèses sur la langue cible ? Le premier type de données auquel l’on pense et également le plus facile à recueillir est la production verbale, qu’on peut obtenir par l’observation désengagée ou l’observation participante. La production spontanée peut effectivement refléter le niveau d’analyse de la langue cible de l’apprenant et ses hypothèses sur les règles de fonctionnement de la langue, comme le montre par exemple Giacobbe (1986). Mais le chercheur n’a pas toujours de certitude pour certaines formes et en général, l’apparition de la forme observée peut être aléatoire et insuffisante pour en induire les hypothèses de l’apprenant.

De plus, les hypothèses ne sont pas toujours visibles dans la production et ce, pour trois raisons. Premièrement, si les hypothèses formées restent sous forme de connaissances déclaratives, comme elles n’ont pas de lien direct avec leur utilisation en tant que telles, elles ne se manifestent pas forcément en production. Deuxièmement, pour que l’apprenant puisse utiliser ses hypothèses dans la production, il faut en automatiser la mise en oeuvre en temps réel. Du fait du délai d’automatisation, les hypothèses qu’il aura élaborées (aussi bien sur les propriétés que sur les procédures de mise en oeuvre) ne sont pas toujours présentes en production tout en existant dans le système des connaissances de l’apprenant. Troisièmement, dans la production, les hypothèses non conscientes (obtenues par le processus implicite) coexistent avec les hypothèses conscientes sans que l’observateur puisse les distinguer. Ce n’est que dans les autocorrections qu’on peut observer directement les hypothèses explicites. Ainsi, la production orale nous semble un type de données davantage approprié pour l’observation du degré d’automatisation des connaissances, mais insuffisant pour l’observation des hypothèses explicites.

Pour ces raisons, les verbalisations métalinguistiques nous semblent mieux convenir à notre objet d’étude qui ne porte pas sur les activités réflexives en situation réelle de production, mais sur les réflexions générales de nos informateurs sur un microsystème de la langue cible. Les verbalisations nous permettent d’observer en particulier ce qui n’est pas observable et/ou distinguable dans les données de production.

4.2. Controverses sur la méthode de verbalisation

La critique des verbalisations pour leur non fiabilité intervient à trois niveaux de discussion. Le premier niveau de critique est celui des verbalisations en tant que données introspectives. Le deuxième concerne l’opposition générale entre les données naturelles et les données provoquées, qui sont utilisées différemment dans divers domaines de la linguistique. Le troisième niveau est similaire au second, mais concerne plus spécifiquement la recherche sur l’acquisition d’une langue étrangère. Dans ce domaine, l’utilisation des données textuelles (données naturelles) et intuitionnelles (données provoquées) dans la description de l’interlangue, oppose les chercheurs s’inspirant de la sociolinguistique et de la grammaire générative. La question de la fiabilité des verbalisations traverse ces trois niveaux et elle sera discutée plus en détail dans la section suivante.

4.2.1. Les verbalisations comme données introspectives

La méfiance envers la verbalisation rentre, en premier lieu, dans le cadre de la méfiance envers les données introspectives en général. Cette réticence a une origine qui remonte au béhaviorisme, quoique sa position n’ait pas vraiment consisté à nier l’existence des mécanismes mentaux, mais simplement à refuser de les traiter, en les considérant comme non scientifiques. En linguistique, l’introspection (« sentiment direct » du locuteur) a d’abord été revendiquée comme démarche scientifique par le Cercle linguistique de Prague (1929-1939)[113]. D’après Bronckart (1977), l’appel à l’introspection traduit, au fond, une considération philosophique : la conscience du sujet est le lieu où se fonde l’analyse linguistique. Cette importance donnée à l’introspection est relayée par Chomsky dans les années 1960, mais sous forme de consultation de l’intuition et non celle de la verbalisation : Chomsky affirme que, dans sa méthode, il tente de caractériser la grammaire générative par « ce que le locuteur sait effectivement, et non pas ce qu’il peut relater de sa connaissance », car, le locuteur peut parfaitement se tromper (Chomsky 1965 : 19)[114]. Le jugement de grammaticalité repose, pour lui, sur l’intuition du locuteur, et révèle sa compétence.

Il est vrai que les verbalisations peuvent contenir des rationalisations ou justifications plutôt que des témoignages réels (Grotjahn, 1991). Mais on ne peut pas nier totalement les informations qu’elles peuvent apporter, comme le reconnaît Arditty (1992 : 413) : « On sait depuis longtemps que les verbalisations métalinguistiques sont un piètre reflet des connaissances effectives sur la langue, aussi bien en LM qu’en LE. (...) Or, dans plusieurs domaines, les représentations paraissent au contraire éclairer ce qui se passe véritablement en interlangue, et donner la clef de certaines stabilisations et surgénéralisations ». Et il serait dommage de refuser ces informations valides sous prétexte qu’elles ne sont pas complètes.

4.2.2. Données naturelles, données provoquées

La critique des verbalisations s’inscrit en deuxième lieu dans le cadre de l’opposition générale en sciences humaines entre les données naturelles et les données provoquées. Cette distinction oppose, dans le domaine de la linguistique empirique, notamment la sociolinguistique, en particulier, sa première période objectivante représentée par Labov (Francheschini, 1998)[115] et la linguistique de l’acquisition. Les sociolinguistes de cette période étudiaient la corrélation entre la variation linguistique et les paramètres sociaux (âge, profession, appartenance ethnique, localisation géographique, etc.) ou les couches différentes de la stratification sociale. Leur but étant une description d’une langue telle qu’elle est pratiquée entre les membre d’un groupe ou entre membres de différents groupes sociaux, les données qu’ils utilisent sont souvent des données naturelles obtenues par l’observation désengagée ou clandestine.

Mais Labov a constaté que la situation d’entretien modifie le registre des personnes interviewées, ce qu’il a nomme le paradoxe de l’observateur : « Le but de la recherche linguistique au sein de la communauté est de découvrir comment les gens parlent quand on ne les observe pas systématiquement ; mais la seule façon d’y parvenir est de les observer systématiquement » (Labov 1976 : 289-290). Il a élaboré ainsi, pour échapper aux effets non désirés, diverses astuces et ruses pour obtenir des séquences spontanées : il crée une situation de sorte que les gens produisent spontanément des séquences verbales recherchées en leur cachant qu’ils sont observés ou en détournant momentanément leur attention. Le chercheur fait là une observation participante mais clandestine ou plus ou moins avouée. Les sociolinguistes peuvent prétendre obtenir ainsi des données naturelles, même si elles sont provoquées, le chercheur étant hors observation.

Par contre, les acquisitionnistes qui étudient les sujets apprenant une langue étrangère utilisent des données différentes selon le milieu d’apprentissage observé. Les acquisitionnistes observant les apprenants en milieu naturel ne peuvent pas travailler entièrement avec des données naturelles. Car, pour obtenir ce type de données, le chercheur doit idéalement suivre partout un apprenant, en enregistrant toute interaction à laquelle il participe. Cette situation est difficilement réalisable. De plus, l’acquisitionniste a la contrainte de devoir choisir un objet d’observation dans l’interlangue de l’apprenant, un objet formel (par ex. emplois des articles, structure de l’énoncé) ou conceptuel (comme ce qui a été fait dans le projet ESF, la référence aux temps ou à l’espace), selon la perspective méthodologique adoptée (sémasiologique ou onomasiologique). Et certains objets d’observation, disons par exemple, les expressions renvoyant à l’espace, peuvent être absents ou rares dans la production de l’informateur en situation naturelle. Ainsi, la nature de recherche sur l’acquisition et le choix d’objet d’observation conduisent l’acquisitionniste à recourir souvent à des données provoquées en élaborant une situation (semi-) expérimentale ou artificielle, de façon à ce que l’apprenant produise des séquences que le chercheur souhaite observer.

En revanche, les chercheurs travaillant dans le milieu institutionnel (comme les travaux de Cicurel, 1984, 1985) ont une approche similaire à celle des sociolinguistes de la période objectivante, car le chercheur peut obtenir des données quasi naturelles. L’effet de sa présence dans la classe, qui peut éventuellement fausser les données, est relativement facile à neutraliser, en habituant les protagonistes à sa présence.

Mais la méfiance envers les données provoquées n’est pas moindre dans la recherche de l’acquisition d’une langue étrangère, où les chercheurs ont aussi l’idéal des données propres : ils privilégient tout de même les données naturelles obtenues de préférence par l’observation désengagée. La situation de verbalisation est perçue comme la situation la moins familière aux apprenants, et les verbalisations, comme les données les plus artificielles ou non naturelles parmi les données provoquées. Pour Mondada (1998), dès lors que le linguiste élabore une tâche, quelle qu’elle soit, ou tout simplement qu’il prépare son terrain d’observation, il participe à la fabrication des données.

Une nouvelle conception déculpabilisante de l’enquête linguistique a commencé à être pratiquée dans la période interactive en linguistique empirique, qui succède à la période objectivante et qui précède la période épistémique actuelle. Selon Francheschini (1998)[116], dans cette période interactive, l’approche interprétative pratique la « compréhension des valeurs conférées aux catégories à partir des discours des sujets eux-mêmes ». Ainsi, l’interview est vue comme une construction des deux protagonistes où l’enquêteur fait partie de la situation sociale de recueil des données : on l’inclut dans l’interprétation des données pour mieux en rendre compte.

Sans accréditer tous les aspects de l’approche interprétative, la prise en compte de l’observateur dans l’objet d’observation peut amener à considérer différemment le biais du cadre d’observation : le biais de l’observateur et du cadre du recueil de données n’est plus quelque chose à éviter. Il est seulement le reflet d’un aspect inhérent à toute situation d’interaction : le locuteur ajuste son discours tant à son interlocuteur (au niveau de la forme et au niveau du contenu) qu’à la tâche et à ce qu’il croit être l’attente du chercheur. Cela signifie qu’il n’existe pas d’interaction sans interaction, dans la situation d’enquête linguistique comme dans la situation de communication ordinaire. Dans la préface de Sociolinguistique de Labov (Labov 1976 : 21), Encrevé fait la même remarque au sujet de la variation stylistique que Labov a notée dans l’enquête par interview : « L’observation scientifique est un rapport social, comme ... n’importe quelle interaction linguistique, tout ‘acte de parole’ ».

4.2.3. Données textuelles et données intuitionnelles

Dans la recherche sur l’acquisition d’une langue étrangère, la méfiance envers les verbalisations s’inscrit dans le cadre de la critique des données intuitionnelles. Ce type de données défini par Mittner et Kahn (1982) comme celles « recueillables en demandant à l’informateur de répéter, d’interpréter, de commenter, d’évaluer et de corriger des fragments enregistrés de discours » se présentent sous deux formes : le jugement de grammaticalité, qui, selon Grotjahn et Kasper (1991), provient de la linguistique générative et les verbalisations (introspectives et rétrospectives), qui relèvent de la psychologie cognitive.

L’utilisation des données intuitionnelles a opposé deux courants pour la description du système de règles de l’interlangue, avec comme origine l’opposition entre le courant sociolinguistique labovien et le courant génératif chomskyen. Corder (1980c), partisan de ce dernier courant, porte un grand intérêt à la connaissance qu’a l’apprenant de son interlangue et sur l’utilisation de son intuition : il part du postulat que celui qui connaît le mieux l’interlangue de l’apprenant est l’apprenant lui-même. Pour Corder, l’apprenant étant bilingue, il est capable de communiquer ses jugements d’acceptabilité et ses intuitions sur son interlangue, et de par sa formation, il peut les exprimer dans une métalangue quelconque (sans doute l’auteur fait-il référence à l’apprenant en situation formelle d’apprentissage). Pour Corder, si le chercheur souhaite décrire adéquatement l’interlangue de l’apprenant, il faut que cette description soit en accord avec l’intuition grammaticale qu’a l’apprenant de son interlangue. Ainsi, le seul recours à la collecte de phrases produites en interaction (données textuelles) par l’apprenant n’est pas suffisant : elles nécessitent, selon lui, pour être confirmées ou complétées, des données intuitionnelles, comme jugements de grammaticalité, manipulation, et formulation de règles. Adjemian qui considère l’interlangue comme une langue naturelle est du même avis.

En revanche, les acquisitionnistes d’approche labovienne sont contre l’utilisation des données intuitionnelles. Outre l’influence du dispositif d’enquête pouvant altérer les données, l’argument des laboviens est que les données intuitionnelles ne donnent pas accès au système de règles de la langue de l’apprenant. S’inscrivant dans ce courant, Selinker (1972 cité par Schachter, Tyson, Diffley, 1976), de même que Tarone (1978 cité par Véronique et Faïta, 1982), affirme que le chercheur doit analyser uniquement les données observables par simple observation désengagée, qui sont les énoncés produits en interlangue dans un contexte naturel, et non des énoncés recueillis dans une situation formelle[117].

Comme nous l’avons dit plus haut, notre position est que l’apprenant possède deux systèmes de règles qui ne sont pas exclusifs l’un de l’autre : celui qui s’observe dans la production spontanée et celui que l’apprenant considère comme norme, dont il est conscient et qu’il peut verbaliser, mais qui ne se reflète pas forcément dans la production. La position labovienne repose ainsi sur la non-considération de ce second système de connaissances. Sans être chomskyenne, nous pensons que ce système de connaissance caché peut être dévoilé par les données intuitionnelles, les verbalisations.

4.3. La fiabilité de la verbalisation

La mise en cause de la fiabilité des verbalisations dans le domaine de l’acquisition est basée sur trois arguments de différents ordres : a) la non-correspondance entre le but de la verbalisation et ce qu’on obtient ; b) la non-stabilité (la variabilité) du contenu des verbalisations, et finalement c) la complexité, donc, la difficulté de l’acte de la verbalisation, qui contribue à la non-fiabilité de cette activité.

4.3.1. La non correspondance entre le but de la verbalisation et ce qu’on obtient

L’argument principal de la non-fiabilité des verbalisations repose sur le fait que le contenu de la verbalisation ne correspond pas à ce qu’on cherche : les connaissances effectives mises en oeuvre par l’apprenant dans la production.

4.3.1.1. La non-correspondance entre la verbalisation et la production

L’observation du décalage entre production et verbalisation a déçu les chercheurs qui cherchaient dans la verbalisation à valider les hypothèses sous-tendant la production de l’apprenant. Pour Véronique et Houdaïfa (1991), ce décalage confirme « l’illusion d’un accès direct aux hypothèses effectives de l’apprenant ». Cette méthode donnerait seulement un accès indirect (Véronique, 1994a). Pour nous, le décalage est un phénomène naturel : comme la psychologie cognitive nous l’apprend, ce qu’on observe dans la verbalisation et dans la production est seulement partiellement concordant. Outre le changement d’expression du locuteur, liée à la situation d’enquête[118], non seulement les deux situations de communication (interaction spontanée et verbalisation) n’ont pas les mêmes objectifs et les mêmes contraintes cognitives, mais les règles verbalisées et les règles effectivement observées dans la production ne reposent pas toujours sur les mêmes connaissances et les mêmes procédures de mise en oeuvre (cf. facteur d’automatisation)[119]. Le décalage est donc un résultat naturel des différences de nature de la tâche d’une part, et des différences de connaissances et d’activités cognitives mobilisées d’autre part[120]. Dans la même perspective, Mittner oppose la situation de production à la situation de reconnaissance, opposition avancée également comme nécessaire par Trévise (1996), à la suite de l’observation de différences de compétences chez des apprenants dans les deux situations.

Si les verbalisations n’informent ni sur les hypothèses effectives de l’apprenant, ni sur les activités métalinguistiques, ceci n’invalide pas pour autant la méthode des verbalisations : la discordance montre simplement que les verbalisations ne sont pas les données adéquates pour la recherche des activités métalinguistiques ou cognitives mises en oeuvre en temps réel. Pour notre part, il nous semble que les verbalisations, en tant que produits et témoignages rétrospectifs, peuvent néanmoins donner des informations sur les hypothèses et les activités métalinguistiques de l’apprenant, qui correspondent partiellement aux connaissances manifestes dans la production.

4.3.1.2. La non-correspondance entre la verbalisation et les principes de conceptualisation

Certains proposent une explication pour la non-correspondance entre les deux types de données (production et verbalisation) et l’utilisent comme argument de critique de la verbalisation : pour Gauthier (1982 : 129-130), l’explicitation de son propre savoir-faire demande à l’apprenant de faire une théorisation, alors que, selon l’auteur, il est seulement apte à la conceptualisation. La tâche métalinguistique entraîne ainsi, pour lui, un « divorce entre capacité épilinguistique et capacité métalinguistique », « alors qu’on espérait dégager les principes conceptuels d’un contrôle conscient de leur reconnaissance/production des énoncés de la langue cible ». L’auteur fait référence ici aux principes sous-tendant la production et la compréhension orales, dans lesquelles la capacité épi- et métalinguistique sont effectivement confondues. Mais ces activités sont, par définition, bien distinctes chez l’apprenant, dans le sens où il possèdes des connaissances conscientes, susceptibles de verbalisation et connaissances inconscientes, non verbalisables. De ce point de vue, la verbalisation ne provoque pas forcément de divorce. Mais elle peut effectivement, par une prise de conscience, transformer l’activité épilinguistique en activité métalinguistique.

En ce qui concerne la théorisation et la conceptualisation, nous pensons quant à nous que, premièrement, l’apprenant peut théoriser, c’est-à-dire, verbaliser un système de règles plus ou moins cohérent et structuré. Du moins, la verbalisation est le seul moyen d’observer si l’apprenant en est effectivement capable. Mais la cohérence théorique n’est pas le but de la tâche de la verbalisation : le niveau de cohérence ou de structuration importe peu. Ce qui est important dans la verbalisation, c’est que l’apprenant communique fidèlement ses connaissances ou sa conceptualisation et que le chercheur les comprenne bien. C’est pour cette raison que Trévise (1994 : 172) note que la verbalisation relève au fond de « l’articulation entre pensée et langage ». Dans ce cas, la théorisation correspond à une simple verbalisation avec un minimum de cohérence, inhérente à tout énoncé. Il nous semble ainsi que la théorisation ne trahit pas la conceptualisation, et qu’au contraire, elle la dévoile, du moins sous sa forme construite consciemment par l’apprenant.

De même, Schuwer Chantefort (1982) affirme l’existence du même phénomène de divorce ou de déformation dans la verbalisation entre d’une part, le contenu qui est censé représenter l’intuition, et d’autre part, l’expression, qui est métalinguistique : l’expression déformant donc le contenu auquel on souhaite accéder. L’auteur avance que la verbalisation est une double déformation : elle est d’abord déformée, puisque c’est le résultat d’un deuxième contrôle sur sa production. Ensuite, par le fait même de la verbalisation, ce qui devait être intuitif ne l’est plus. Cette seconde idée revient à dire que pour que l’intuition reste intuitive, on ne doit pas l’exprimer. Or, la verbalisation ne déforme pas toujours la nature du contenu : l’apprenant peut disposer de diverses expressions pour exprimer son intuition (par ex. « c’est mieux », « c’est plus naturel », chez notre informatrice Lee). D’ailleurs, l’objet de la verbalisation n’est pas obligatoirement l’intuition ; il peut s’agir, comme dans notre cas, des connaissances conscientes et verbalisables. Si un changement de nature peut en effet se produire dans la verbalisation, c’est par la prise de conscience causée par la tâche. Dans ce cas, ce à quoi l’on assiste n’est pas le divorce entre le contenu et l’expression, mais la dynamique de l’activité métalinguistique en temps réel.

4.3.2. La variabilité des verbalisations

Ce qui alimente encore les controverses sur la validité des données intuitionnelles, ce sont les résultats divergents, voire conflictuels de ces données (Grotjahn et Kasper, 1991). Une des causes des résultats conflictuels est, comme Frauenfelder et Porquier (1986) l’ont noté, celle des facteurs méthodologiques (type de tâche, situation de tâche) qui influencent les comportements des informateurs. Par un changement d’un des facteurs, la même tâche chez le même sujet peut donner un résultat différent, tout comme la représentation subjective qu’a l’apprenant de la situation (Grotjahn, 1991). Pour nous, cependant, ces phénomènes n’invalident pas les résultats, mais montrent encore le comportement naturel des sujets qui ajustent leurs comportements linguistiques à la situation.

Comme Grotjahn (1991) le présente, quatre types de réactions sont possibles face à la variation des résultats : 1) abandonner ces données en les considérant comme non fiables ; 2) présenter les résultats de façon non définitive, c’est-à-dire de façon conditionnelle, en les soumettant aux contraintes du dispositif de la tâche ; 3) les chercheurs peuvent essayer de trouver des méthodes qui permettent de démêler les résultats, comme ont tenté de le faire Schachter et Yip (1990). Ellis (1991) affirme aussi dans cette perspective que, pour que les données métalinguistiques soient fiables, il faut d’abord démêler ce qui relève réellement de la compétence de l’apprenant, et ce qui résulte des méthodes encadrant la tâche. 4) Grotjahn (1991) lui-même suggère la quatrième réaction, celle de prendre en compte l’interférence entre l’objet de recherche et les informations parasites dues aux conditions de la tâche. Crooks (1991) suggère, pour éviter les données dépendantes du cadre du recueil de données, une multiplication des tâches et un croisement des résultats.

4.3.3. La verbalisation, une activité complexe

L’argument de la difficulté de la verbalisation est un argument de ceux qui avancent que les verbalisations ne sont pas fiables. Carroll, Bever et Pollack (1981 cités par Ellis, 1991) ont affirmé que les tâches métalinguistiques étaient des activités soumises à des contraintes de performance au même titre que les autres activités langagières, alors qu’elles constituent des performances comportementales plus complexes. La verbalisation comporte deux niveaux comme tout autre acte de production : préverbal (le contenu) et verbal (l’expression). Le modèle de production de Levelt (1989) avec ses trois phases (conceptualisation-formulation-articulation) s’applique à l’acte de verbalisation métalinguistique. Dans toute interaction, ces deux niveaux existent et le préverbal est en général disponible : on sait ce qu’on veut communiquer. Dans la verbalisation métalinguistique, les deux niveaux peuvent demander, en effet, une phase d’élaboration : il faut d’abord se rappeler ou construire le contenu, puis l’exprimer.

En ce qui concerne le contenu, il est vrai que concepts et représentations sont difficiles à exprimer verbalement (Trévise, 1994). Mais la vraie raison de cette difficulté nous semble l’absence de conscience (awareness) et l’absence d’analyse. La construction du contenu au moment de la verbalisation est donc nécessaire quand l’objet du commentaire n’a pas été analysé, par d’autres (manuel, professeur) ou par l’apprenant lui-même, qu’il s’agisse du système de la langue cible ou de son propre système. C’est ainsi qu’il arrive à l’apprenant de verbaliser, souvent inconsciemment, des rationalisations ou des connaissances partielles, voire autre chose que ses représentations conscientes (cf. Berthoud, 1982b, Trévise, 1994). Le risque de reproduction par l’apprenant de savoirs ou d’idées reçues sur la langue, (Vasseur, 1990d), plutôt que la mise au clair de fonctionnements et de règles réellement présentes, n’est donc pas rare : si l’apprenant n’est pas conscient de son propre système, ou n’a pas analysé l’aspect en question de la langue cible, il fournit ce dont qu’il dispose.

En ce qui concerne l’expression, elle relève d’une autre compétence : « La capacité de réflexion ne se traduit pas en mots par une capacité de verbalisation qui lui correspondrait exactement (...) » (Trévise 1994 : 172). Exprimer demande un minimum de cohérence et de structuration du discours, une deuxième élaboration. C’est ainsi que souvent, l’apprenant prend conscience, au moment de l’expression, de l’absence ou de l’incohérence de son analyse, ce qui peut être à l’origine d’une rationalisation ou d’une justification consciente, liée éventuellement à la question de face (Grotjahn, 1991). L’aspect expressif permet aussi d’observer la capacité de l’apprenant à formuler un contenu métalinguistique.

Du fait des problèmes de conscience, d’analyse et d’expression, nous partageons volontiers la position de Trévise (1996 : 8) : « ces verbalisations métalinguistiques spontanées ou élicitées sont à prendre comme les traductions, les reconstructions verbales plus ou moins fidèles des représentations métalinguistiques conscientes ». Mais cet aspect approximatif n’est pas une caractéristique propre aux verbalisations : il fait partie de tout acte d’énonciation et de toute interaction.

4.4. La validation de la verbalisation

En présentant une recherche sur les théories subjectives qui prend pour objet l’articulation entre l’action et les opinions, les croyances individuelles dans l’acquisition et l’enseignement de langues étrangères, Grotjahn (1991) aborde la question de validation des verbalisations, données cruciales dans cette théorie. En accréditant Schmidt (1990) pour qui le rôle de la conscience dans l’acquisition de langues est sous-évalué, Grotjahn affirme que la possibilité d’accès aux cognitions par introspection a également été sous-évaluée. Selon lui, il existe deux approches de validation des verbalisations : validation communicative et validation explicative.

Dans la méthode de validation communicative, le but du chercheur est de comprendre les raisons, les intentions et les objectifs de l’informateur. Pour vérifier sa compréhension, le chercheur doit avoir l’accord de l’informateur sur sa reconstruction à laquelle l’informateur répondra par oui ou non. Si sa réponse est non, le chercheur continuera le dialogue pour mieux comprendre son interlocuteur, jusqu’à un consensus. Cette validation communicative, procédé fondamental de toute interaction est, pour lui, limitée : les comportements automatisés qui reflètent les connaissances procédurales ne sont pas accessibles à l’introspection. Et l’introspection des actions non automatisées est souvent non-objective et rarement complète. De plus, il y a le risque, dit l’auteur, même pour un informateur habitué à l’introspection, de donner une justification pour rectifier sa verbalisation, au lieu de verbaliser exactement ce qu’il fait. C’est pour cette raison que, selon lui, il faut recourir à d’autres types d’observation, observation externe, empirique, pour vérifier la correspondance de la verbalisation à la réalité : une validation explicative basée sur l’observation de données externes est nécessaire[121]. Pour cette validation, l’auteur présente trois procédés qui ont été suggérés par Groeben (1990 cité par Grotjahn, 1991).

Le premier procédé est la validation par l’étude de corrélation entre la verbalisation et l’action réelle observée. Le deuxième procédé est la validation par diagnostic : sur la base de la reconstruction des verbalisations de l’apprenant, on peut prédire ou vérifier l’hypothèse après coup, éventuellement par test statistique. Le troisième procédé est la validation par l’observation des modifications chez le sujet. C’est la validation, selon l’auteur, qui va le plus loin dans la vérification du degré de correspondance entre la verbalisation et la réalité. A la différence de la méthode traditionnelle qui bannit toute influence, on peut intégrer dans la méthodologie ce changement dû à la méthode de recherche. Par exemple, dit Grotjahn, dans la recherche des activités cognitives de lecture chez les sujets compétents et moins compétents en langue étrangère, on peut reconstruire les activités cognitives pertinentes par la validation communicative. Ensuite, on peut intervenir et modifier la cognition des lecteurs moins compétents pour qu’elle corresponde à celle des lecteurs plus compétents. Si l’on constate une amélioration dans leur performance, on peut dire qu’il y a relation causale entre cognition et action, et qu’il y a correspondance à la réalité des cognitions reconstruites (croyances, stratégies).

Dans les verbalisations métalinguistiques, la validation communicative et la validation explicative sont largement utilisées. Mais pour l’acquisition du système linguistique de la langue cible, le second type de validation ne peut être appliqué, car comme nous l’avons dit plus haut, la production ne peut pas servir de critère de fiabilité de la verbalisation : les connaissances ou hypothèses verbalisées ne s’observent pas forcément dans la production. La seule façon valide de comparer les deux types de données est l’observation de l’apprentissage sur une longue durée, car les connaissances verbalisées peuvent se refléter certes dans la production contemporaine, mais aussi, et plus souvent, dans une période (beaucoup) plus tardive. Or observer l’apprentissage complet est difficilement réalisable et la comparaison sur une période courte n’a qu’une valeur anecdotique. Ainsi, la seule méthode de validation réellement utilisable est la validation communicative. Le critère de la fiabilité des verbalisations métalinguistiques consiste dans leur correspondance à la conception, à la représentation métalinguistique de l’apprenant, et non à ce qu’il fait en situation de production.

Cette fiabilité des verbalisations varie selon le degré d’analyse de l’apprenant et sa capacité de formulation. La compréhension et sa vérification par l’enquêteur aident l’apprenant à mieux ajuster progressivement sa formulation à ses connaissances (hypothèses) et à mieux les formuler. Les verbalisations en entretien donnent ainsi lieu à une négociation de sens autour d’une représentation métalinguistique, tout comme, dans une conversation, les négociations autour de thèmes conversationnels. Pour la transparence des verbalisations, la langue utilisée peut être la langue maternelle de l’apprenant.

4.5. La verbalisations en interaction

La difficulté inhérente à la verbalisation fait que l’apprenant a souvent du mal à exposer ses hypothèses ou connaissances conscientes en un seul tour de parole. De plus, l’enquêteur-chercheur doit vérifier sa compréhension par la méthode de validation communicative, méthode inhérente à toute interaction, en demandant à l’apprenant une confirmation ou une précision. Notre objet de recherche (hypothèses de l’apprenant sur le système de la langue cible et ses démarches métalinguistiques) impose donc un entretien non structuré et les tours de parole partagée font de l’entretien une interaction ayant les mêmes caractéristiques que toutes les interactions face à face. Les verbalisations recueillies dans ces conditions permettent d’obtenir des informations d’une façon plus abondante, plus approfondie et plus détaillée.

Les verbalisations métalinguistiques en interaction donnent accès à deux types de données : a) si l’objet du commentaire a déjà été l’objet d’attention et de formation d’hypothèse de l’apprenant, il donne accès à ses hypothèses ; b) si l’apprenant n’y a pas prêté attention auparavant, l’entretien donne accès à la dynamique de sa réflexion en temps réel. Et cette dynamique est plus souvent observable dans ce type d’entretien.

Mais, outre le problème d’interprétation lié aux verbalisations (Arditty et Vasseur, 1996), le recueil des verbalisations dans le cadre de l’interaction ajoute un autre problème, pour les partisans des données objectives et naturelles, celui du biais entraîné par l’intervention de l’enquêteur ou la situation d’interlocution. Les critiques qu’ils peuvent faire sont de deux ordres : a) le risque de produire ou fabriquer une nouvelle donnée au lieu de décrire ce qui existe, et b) le risque de faire dire quelque chose autrement à l’informateur, ou autre chose.

La première critique rejoint la position de certains sociologues mentionnée par Caplow : dans un questionnaire sociologique, certaines questions risquent de demander une opinion alors que l’enquêté n’y a jamais pensé auparavant ou qu’il n’en a pas. Mais quand l’objectif de recherche est d’observer les réflexions métalinguistiques d’apprenants, il faut bien les susciter. Et que les verbalisations soient naturelles ou non ne se vérifie qu’après coup : on ne peut pas poser que les bonnes questions qui correspondraient exactement aux connaissances que l’apprenant peut verbaliser, aux sujets sur lesquels il aurait déjà réfléchi. Ce sont justement les questions qui permettent de les dégager et éventuellement de distinguer ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas.

D’autre part, il nous semble que l’état naturel des individus comprend non seulement leurs connaissances ou opinions déjà là au moment de l’enquête, mais aussi leurs réflexions qu’ils sont invités à effectuer sur le moment et sur un nouvel objet. De ce point de vue, il n’y a pas de raison d’occulter cette capacité que possèdent bel et bien les sujets.

Quant au risque de faire dire quelque chose autrement par intervention de l’enquêteur[122], nous pouvons répondre que, dans toute interaction, l’énoncé d’un locuteur fournit à son interlocuteur des éléments linguistiques que celui-ci est libre de reprendre. Ainsi si l’enquêté reprend des termes ou des expressions utilisées par l’enquêteur sans employer ses propres termes, ce n’est pas forcément lié à la situation d’enquête. Pour une enquête métalinguistique, l’enquêteur doit faire attention en particulier à ne pas prendre l’initiative d’utiliser des termes ou expressions techniques risquant de ne pas être compris par l’enquêté, à moins qu’ils soit employés d’abord par celui-ci. De plus, l’enquêteur ne doit pas, par ses attitudes verbales et non verbales, prohiber une réponse spontanée de la part de l’enquêté.

4.6. Les conditions de la verbalisation

L’entretien métalinguistique et la verbalisation sont une forme d’interaction bien particulière. Les difficultés qu’ont eu Véronique et Faïta (1982) nous renseignent sur deux conditions à remplir pour le succès d’un entretien métalinguistique. Leurs difficultés étaient dues d’abord à la non-compréhension par leurs informateurs de l’objet de l’entretien (attention sur la forme et non sur le sens), ensuite, à leur bas niveau de scolarisation impliquant un faible degré de familiarité avec un discours métalinguistique. Trévise (1994) note effectivement que la conscience d’une règle, adéquate ou non, n’entraîne pas toujours la capacité d’explicitation de cette règle, surtout pour des sujets pas ou peu scolarisés[123]. Véronique (1994) montre bien la difficulté qu’ont ses informateurs pour avoir une attitude métalinguistique et la maintenir durant l’enquête. Mais avant tout, le premier prérequis d’un entretien métalinguistique est l’établissement d’un contrat entre enquêteur et enquêté, comme il existe un contrat didactique entre natif et non-natif (De Pietro et al., 1989), étant donné la non-familiarité avec une telle tâche et la possible dévalorisation de l’apprenant. Ainsi, la verbalisation reste une tâche faisable, comme c’est le cas de nos informateurs, avec une consigne claire et avec des apprenants scolarisés qui sont capables de parler de et sur la langue, et qui acceptent, cela va de soi, un tel entretien.

5. Choix de l’objet des verbalisations et hypothèses

Dans cette étude nous tenterons d’observer les connaissances métalinguistiques d’apprenants adultes en langue étrangère à travers leurs verbalisations sur un phénomène donné de la langue cible. Ces connaissances qui se présentent sous forme d’analyses ou de réflexions métalinguistiques peuvent relever, pensons-nous, aussi bien des connaissances réellement utilisées et observables dans les communications orales que des connaissances de type déclaratif, qui ne se manifestent pas toujours dans la production.

Nous nous intéresserons en particulier aux connaissances des valeurs aspectuelles véhiculées par le passé composé et l’imparfait français, ainsi qu’à leur évolution chez trois apprenantes adultes coréennes.

Pour entreprendre cette observation, nous partons d’un constat et d’une hypothèse concernant la relation entre l’activité métalinguistique et l’acquisition d’une langue étrangère. Le constat est que lors de l’acquisition d’une langue étrangère, l’apprenant adulte déploie des activités métalinguistiques. Nous pensons que ces activités métalinguistiques interviennent quel que soit le milieu d’apprentissage (naturel, institutionnel ou mixte), et quel que soit le niveau de scolarisation de l’apprenant. Ces facteurs, avec la représentation du processus d’apprentissage que l’apprenant conçoit, influencent le type et la profondeur de ces activités métalinguistiques. Par exemple, du point de vue de l’analyse de l’intake et de la construction de connaissances, les activités métalinguistiques peuvent aller de la simple différenciation d’une forme jusqu’à l’élaboration et le test d’hypothèses.

Notre hypothèse concerne la nécessité de l’activité métalinguistique pour les règles complexes. Nous avons vu dans le chapitre 3 qu’il existe une hypothèse qui a d’ailleurs été partiellement corroborée, selon laquelle les règles simples (la relation entre forme et sens est transparente ou facilement repérable) font intervenir un processus explicite, c’est-à-dire le processus contrôlé de formation et de test d’hypothèses, étant donné le nombre gérable d’hypothèses à traiter. Dans cette même hypothèse, les règles complexes font par contre plutôt intervenir un processus implicite comme la mémorisation passive (inconsciente, ou non focalisée) des cas de co-occurrences des termes d’une relation, du fait du nombre d’hypothèses trop important.

Ce faisant, nous ne nions pas l’existence et le rôle du processus implicite dans l’apprentissage d’une langue étrangère. Son intervention est effectivement logique : le traitement contrôlé avec attention focalisée étant limité, tout le reste de l’input qui ne fait pas l’objet d’attention, est filtré par l’attention périphérique qui échappe au contrôle de l’apprenant. Mais, contrairement à cette hypothèse d’acquisition des règles complexes par le processus implicite, la nôtre est que l’acquisition des règles complexes nécessitent un processus explicite et contrôlé pour être maîtrisée.

Nous nous fondons ici sur deux sous-hypothèses. D’abord, celle que même les connaissances implicites et automatisées ont fait l’objet d’un traitement explicite à l’origine [124]. Ensuite, les connaissances acquises par un processus implicite sont limitées dans leur emploi. Par leur caractère non opératoire, elles risquent d’être utilisées seulement dans certains contextes dans lesquels l’association entre la forme et le sens a pu se faire. Le processus explicite donnant lieu à une maîtrise du rapport forme-valeur permet à l’apprenant d’utiliser librement la forme en accord avec son intention de communication, dans de nouveaux contextes (cf. connaissances opératoires de Piaget, 1972, connaissances explicites de Bialystok, 1982a). Le processus explicite, avec les réflexions métalinguistiques qu’il implique, permet d’atteindre un niveau plus élevé dans la maîtrise de la langue cible que le processus implicite. Il nous semble d’ailleurs que l’arrêt de la réflexion ou de l’analyse est la cause de la fossilisation (qui se manifeste par une utilisation prolongée et répétée de la paire fixe forme-sens seulement dans certains contextes). L’observation de l’acquisition des règles complexes comme l’aspect pourrait nous permettre d’avoir quelques éléments de réponse à la question de la nécessité du processus explicite.

6. Conclusion

Si l’on pense que l’activité métalinguistique joue un rôle dans l’acquisition d’une langue étrangère, il est naturel de se demander quelle est sa nature et son fonctionnement chez l’apprenant. Le rôle de la composante métalinguistique peut être pris en considération de différentes façons, du point de vue du système et du point de vue du processus, et ce à travers divers types de données et de tâches.

Comme Py (2000 : 77) qui remarque que la didactique des langues et la recherche sur l’acquisition tendent à réduire la norme à un produit, alors que « la norme est à la fois un processus et un produit », nous pensons pouvoir en dire de même pour le système de connaissances de la langue cible qu’élabore l’apprenant. A la fois processus (activités métalinguistiques d’analyse) et produit (connaissances et hypothèses), il est souvent réduit à un produit. La conséquence du choix méthodologique (préférence des données naturelles ou textuelles) a fait que les études en Europe, qui ont essentiellement porté sur le processus de la grammaticalisation, ont été effectuées et se font toujours principalement avec les productions orales d’apprenants. Dans cette démarche, les connaissances et hypothèses de l’apprenant sont considérées comme incluses dans le produit (production) en temps réel, et celles qui sont présentes dans le système de connaissances de l’apprenant sans être opérationnelles sont exclues.

Pour la position méthodologique opposée qui accepte les verbalisations, outre le fait que les productions de l’apprenant restent des observables et des objets de recherches légitimes, les processus (activités métalinguistiques) et produits (connaissances et hypothèses) sont ainsi observables dans ses activités réflexives verbalisées. Contrairement aux apprenants débutants, notamment en milieu naturel, les connaissances, les hypothèses et les réflexions des apprenants avancés, scolarisés et ayant un apprentissage mixte comme nos informatrices, sont plus aisément verbalisables, donc accessibles. Les verbalisations permettent un accès aux informations qui ne s’observent pas toujours au cours de la production d’une façon évidente et distincte. Ces verbalisations comprennent deux types d’informations pouvant éclaircir les « passages entre les phases ‘obscures’ de l’acquisition » (Vasseur et Arditty, 1996) : ce sont d’une part, les connaissances et hypothèses intermédiaires, y compris celles qui ne sont pas encore opérationnalisées, et d’autre part, les procédés ou démarches cognitives auxquelles l’apprenant a recours effectivement dans son analyse des données.

Dans ce travail, nous observerons les connaissances, les hypothèses et les procédés métalinguistiques de nos apprenantes coréennes ainsi que leurs éventuelles évolutions, concernant les valeurs aspectuelles véhiculées par deux temps passés du français (passé composé et imparfait). Cela nous permettra d’entrevoir le lent processus de constitution, d’explication et d’opérationnalisation de connaissances sur la langue cible.




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